Sans apprentissage, la vie ne tient qu’a un fil...
Un jour, deux personnes viennent me rendre visite sur mon abattis de Grand Laussat. Un prêtre d’une secte quelconque accompagné d’un métis Russe-algérien qui veut vivre en forêt à la Robinson Crusoe un peu comme moi. Ayant entendu dire que je dispensais facilement mon expérience gratuitement et que je partageais mes connaissances par passion, allant même jusqu’à nourrir et loger à mes frais les apprentis broussards, ils débarquèrent chez moi. J’étais au bord de la route avec un Indien lorsqu’ils arrivèrent.
Ils m’expliquent qu’ils aimeraient vivre en forêt et qu’ils auraient besoin de conseils. Ils laissent leur voiture au bord du chemin et prennent ma piste. Ma piste, entre le bord de la RN1 et mon carbet, faisait 350 mètres et était carrossable. Chemin faisant, nous devisons. Le russo-algérien dont j’ai oublié le nom, que nous nommerons Paul pour la commodité du récit nous suit en s’extasiant sur la moindre liane, papillon et autre. Son rêve est de découvrir la jungle et il le vit. Nous prenons de l’avance et nous l’attendons. Il nous prie de continuer, il va nous rejoindre, il admire les beautés de la nature... J’insiste pour qu’il nous suive et il refuse, il veut prendre son temps. Nous partons donc au carbet sans lui.
30 minutes plus tard, personne. On le cherche, on l’appelle, introuvable ! J’essaie de suivre sa piste, rien. La forêt est très dense et il n’y a aucune trace de layonnage, pas de marquage. On prévient des Indiens, des bonis, on fait une battue, une recherche. Sur la dizaine de personnes présentes, il y a au moins 8 bons pisteurs et rien, introuvable. On suit sa piste jusqu’à la crique puis plus rien. Il a coupé plusieurs gros layons sans les voir. Il a longé un gros abattis habité sans le voir.
J’étais sur une colline. Au sud la RN1, à l’ouest une grosse crique, au nord une petite crique, à l’est un abattis. Impossible de se perdre sans tomber sur des gros layons qui suivent les criques, sur les abattis. Il suffit de marcher au sud pour tomber sur la route.
Hé bien Paul c’est perdu !
Il est rentré de quelques mètres en forêt pour suivre un papillon, il a perdu de vue la piste (énorme), il n’a pas vu l’abattis, il a coupé plusieurs gros layons sans les voir, il a traversé une des criques, c’est enfoncé en forêt. En enjambant un tronc couché, il a glissé, se sectionnant les tendons de presque tous les doigts de la main avec sa propre machette. Paniqué, il a erré au hasard une journée complète avant de tomber par chance sur un boni qui revenait de la chasse et qui a trouvé sur son chemin un « zombi hagard » dégoulinant de sang. Paul était incohérent, en état de choc et comme j’étais le seul habitant à avoir une voiture, il me l’a amené pour que je l’amène à l’hôpital. Il est passé en quelques heures de l’état de rêveur, poète, amoureux d’une jungle idéalisée, qu’il ne connaissait pas, en miraculé, traumatisé, en état de choc, incapable d’articuler un mot et infirme. Je l’ai amené à l’hosto de St Laurent.
J’ai revu Paul quelques semaines plus tard, il était handicapé à vie à cause de ses tendons sectionnés et il ressemblait plus à une serpillière qu’à un vaillant broussard... Quand il racontait son histoire, c’était poignant, il s’est vu mort et il a failli y passer... On considère effectivement qu’une personne normale, non initiée, survit rarement plus de trois jours en forêt. Quand on voit comment il a plongé en quelques heures et dans quel état, on l’a retrouvé, il aurait difficilement passé le cap des trois jours !
S’il avait eu les connaissances de base, rien de tout cela ne lui serait arrivé !
Mon apprentissage de la Jungle
Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours été attiré par les récits vécus d’aventures et d’exploration. J’ai lu tous les guides de survie, piégeage, manuel de Robinsons et de vie sauvage. J’ai beaucoup pratiqué la pêche, le camping, la randonnée. Puis pour parfaire mes connaissances, je suis devenu EVSOM au 9e Bima en section de combat. Ce fut extrêmement profitable, car cela m’a permis d’acquérir de nombreuses techniques de vie, de survie, de parfaire ma connaissance de la jungle grâce à des stages spécialisés de connaissance de la forêt équatoriale et de survie et de mettre le tout en pratique lors des missions de combat, d’exploration ou de recherche et secours. J’ai pu sympathiser avec des peuples de la forêt, découvrir la richesse de leur culture et acquérir une compréhension approfondie du milieu. Redevenu civil, j’ai vécu avec des Bonis et des Indiens en m’enrichissant énormément à leur contact et apprenant une partie de leur savoir traditionnel.
Mission Trijonction 1979

C’est une partie de ce savoir que je partage avec les lecteurs de ’’Robinsonnade en Amazonie’’.
La jungle ce n’est pas un lieu de randonnée, il y a un apprentissage à faire. Cet apprentissage on ne peut pas le faire sur un forum, sur un site web ou dans un livre. Cet apprentissage c’est avant tout celui de la volonté, du goût des efforts physiques et du dépassement de soi-même.
J’ai amené des dizaines de débutants en forêt et j’ai transmis mon savoir à beaucoup, je n’ai jamais eu de soucis et j’ai fait énormément d’extrême.
Mon épouse, sans être ni une grande sportive ni, une baroudeuse, a vécu 6 mois en forêt profonde dont une grande partie en zone interdite, en kayak, sans aucun secours possible en cas de pépin. Jamais de soucis malgré les aléas de la forêt (agressions armées, attaque d’animaux, rivières dangereuses, perdus en forêt suite à un combat avec des pécaris, grosses crises de palud résistant malgré la prophylaxie, passages de sauts dantesques...) sans guide et sans assistance. Chaque fois, nous avons mis en pratique nos connaissances du milieu et des techniques de survie, vues et revues à l’entraînement.
L’entraînement lors de l’expédition ’’Sur les traces de Coudreau’’
Ayant entraîné mon épouse en France, nous n’avions pas de jungle sous la main... Donc, nous avons procédé en deux étapes. La première, ingrate, mais indispensable, SOUFFRIR ! Pour s’endurcir, randonner en montagne avec de gros sacs et de forts dénivelés, strict minimum en bouffe, matériel de bivouac de jungle. Technique de progression et d’orientation de base pour apprendre à s’orienter. Puis techniques d’orientation de survie. D’abord, définir la longueur des foulées sur le plat, en marais, en montagne pour définir le nombre de pas moyens aux cent mètres en fonction du terrain. Comptez-les pas pour connaître la distance parcourue. Savoir s’orienter au soleil, avec une boussole, sans soleil et sans boussole, de jour comme de nuit... Apprendre par cœur la topographie de la zone à parcourir, les distances, les zones de replis immanquables en cas de perte...
Ensuite, entraînement de 15 jours sur le terrain en Guyane, en forêt profonde au cours duquel une situation de survie est provoquée. De retour de notre survie, on a du distribuer nos excès de bouffe (pécari et aimara boucané aux locaux) on c’est empiffré comme des malades... !
Je ne pars jamais avec des guides indigènes ou des piroguiers comme font tous les ’’broussards’’. Ils sont souvent superstitieux et s’affolent trop facilement à mon goût (esprits de la forêt, Indiens sauvages, territoires interdits...) et tout est prétexte à des demis -tours qui font avorter pas mal d’expédition.
Donc je pars toujours en autonomie, seul le plus souvent ou accompagné en canoë ou pour l’expédition qui nous intéresse en kayak d’expédition biplace. Les sauts en Guyane étant dangereux à franchir et nombreux, surtout en kayak bi place, la progression ce faisant en remontant au départ (très chargé) puis en redescendant ensuite (presque à vide) nous avons donc fait nos entraînements en conséquence sachant que trouver des rivières aussi grosses et dangereuses en France n’est pas possible.
Au bout d’un an d’entraînement, nous sommes partis pour l’expé.
Avant d’attaquer le gros de l’expé, une recherche d’Indiens inconnus sur le haut Oyapock, nous avons testé le matériel et nous même en grandeur nature sur une rivière habitée, l’Aprouague. Monter l’Aprouague en Kayak d’expé surchargé n’est pas une sinécure, mais ça a mieux été que ce que je pensais.
Une fois l’équipe entraînée et le matériel au point, nous sommes enfin partis pour l’Oyapock.
Même si j’étais déjà surentraîné et que j’avais à mon actif 10 ans de vie dans la jungle, de nombreuses expéditions extrêmes dans le Sud Guyanais, j’ai passé tout ce processus pour entraîner mon équipière afin qu’en cas de pépin elle puisse être autonome et qu’elle ait de bonnes chances de survie.
ENTRAÎNEZ-VOUS !!!
L’entraînement peut être très agréable.
Descente des gorges de l’Ardèche
Descente des gorges de l’ardèche en Kayak Klepper
Entraînement sur la Moselle à Méréville}
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